En ce dimanche, tout début d’ après-midi, alors que les enfants font leur sieste, Inès et Simon, Suzanne et Pierre sont assis sur le sofa, tranquilles ! Le tuner est allumé et la voix chaleureuse de Max, animateur radio d’ une émission phare, se fait entendre : “Bonjour chers auditeurs ! En ce mois de janvier 2017, nous avons retenu parmi vos propositions, la question de Monsieur Simon Tanmieux de Nantes. : “Faut-il mentir à un enfant ?”. Ce sera notre question du mois, traitée aujourd’hui, restez à l’antenne, tout de suite le générique et c’est parti !”

– Mais, c’est ma question ! s’exclame Simon, incroyable ! je suis vraiment content !

– Super ! Ah, c’est cool ! s’esclaffent les trois autres compères.

– Chut ! dit-il, écoutons, ça commence !

“Nombreux parents mentent à leurs enfants… des petits mensonges insignifiants…!

Des mensonges utilisés à des fins éducatives

Parmi ceux-ci, nous trouvons :

  • Les petits mensonges menaces, chantages, pour faire peur à l’enfant ou se faire obéir. Nous savons que la peur, n’est pas un outil éducatif parce que le petit obéit sous la menace sans comprendre le pourquoi, l’enjeu !
  • Les mensonges pour poser des limites à l’enfant.Une stratégie éducative peut-être, à condition que cela reste un mode de fonctionnement occasionnel. « Si tu ne manges pas ta soupe, tu ne grandiras pas » !
  • Les phrases transmises de générations en générations, qui plutôt que petits mensonges, sont des vérités amplifiées ! «Mange ce potage potion magique si tu veux devenir fort comme Astérix ! ». Ces petits mensonges « historiques » pour expliquer les choses en déformant la vérité aux enfants les marquent certes, mais restent sans gravité !
  • Les mensonges blancs, « white lies » pour les Anglais, sont ces petites modifications de la vérité utilisés pour protéger l’enfant, et ne pas le blesser : « Ton bracelet en nouilles est vraiment fort joli, mon petit chéri ! » ! Parce qu’il est en confiance, en sécurité, ces compliments et encouragements sont importants pour lui-même, son estime de soi. Ils restent bénéfiques si les parents n’en abusent pas, en positionnant l’enfant sur un piédestal !
  • Les mensonges tellement ancrés dans la culture collective, qu’ils ne comptent même plus comme des mensonges : il s’agit de la magie des cloches de Pâques, du Père-Noël, de la petite souris… et toutes ces histoires de rois, de princesses et de fées inventées pour aider les enfants à grandir ! Que dire de mieux, ils stimulent leur imagination, et développent leur monde intérieur. L’enfant vit dans une bulle de bonheur ! « Une bulle protectrice, jusqu’à ce que l’enfant soit prêt pour une vision plus large de la vie », résume Don Mac Mannis, codirecteur du Family Therapy Institute de Santa Barbara, en Californie.

Le téléphone sonne, c’est la radio qui demande à Simon de s’exprimer en direct.

– Bonjour Max, à vous et à votre équipe. Cette magie, notamment celle de Noël, nous venons de la vivre en famille, elle fait vraiment partie des traditions qui nous enchantent, les adultes autant que les petits. Je me rappelle combien la vérité à propos du père-noël a été difficile à accepter pour moi. Ceci dit, comme tout gamin, j’ai bien fini par me dire qu’il faut quitter l’enfance à un moment donné, et que la vérité est toujours mieux à dire, c’est chouette aussi de grandir. En tout cas, pas si facile quand on est petit ! Il y a un deuil à faire. Tout dépend qui dévoile le secret, et s’il est dit avec tact ou pas ! Je pense qu’il y a plus de problèmes si l’enfant demande la vérité et que ses parents la lui cachent encore, cela s’était produit pour l’un de mes copains à l’époque !

– Merci Simon, pour votre intervention à l’antenne ! reprend Max l’animateur radio. Au sujet du mensonge “conte” que vous évoquiez à l’instant, le psychiatre Bruno Bettelheim, auteur de nombreux ouvrages notamment sur les contes de fées, a écrit : “Le conte est un rite de passage entre l’univers de l’enfance et le monde des adultes. Il les aide à donner du sens à leur vie, il formule à sa façon ce qui, du monde des adultes, leur échappe, et les intrigue. La simplicité des situations et des personnages, (bon/méchant, enfant/parent, héros/ennemi…) offre à l’imaginaire infantile des repères faciles pour reproduire des pensées ou des sentiments qui ont été réprimés dans la vie réelle.”

Nous poursuivons, continue Max ! Et, pour répondre à notre question du jour : “faut-il mentir à un enfant ? “, nos auditeurs en nombre expriment des avis partagés. Nous allons donc, dans un premiers temps, écouter les arguments de ceux qui pensent que non, il ne faut pas tout dire aux enfants.

Certaines choses ne concernent que les adultes, pas les enfants

Frédéric du Lot explique : “Être proche de son enfant ne signifie pas devoir tout lui dire. Certaines choses ne concernent que les adultes, pas les enfants. Il est important de savoir se taire pour les protéger et leur permettre de vivre mieux leur vie d’enfant !

Hélène du Finistère, nous dit : “La vie amoureuse, la vie sexuelle des parents, leurs problèmes ne regardent pas les enfants. La discrétion reste primordiale pour les tenir en dehors de leur vie sentimentale.” Elle donne aussi l’exemple des parents isolés, célibataires, tant que les relations ne sont pas fixes, rien ne sert d’en parler aux enfants.

– Un autre auditeur, Pascal du Nord, cite le psychologue Stéphane Clerget pour venir appuyer les propos tenus par Hélène : “A un jeune âge, l’enfant ne sait pas quoi faire des confidences, c’est très lourd et pénible pour lui car il est pris dans un conflit de loyauté. Chaque parent doit garder à l’esprit qu’un enfant ne peut être un confident, qu’on ne peut lui parler pour soulager sa conscience, se décharger de sa tristesse ou de sa colère, dénigrer l’autre parent, rechercher son approbation, le convaincre qu’on a raison et l’autre tort, lui demander son appui…”

Passons sans plus tarder, aux arguments des auditeurs qui pensent autrement, à savoir :

Nous devons toujours dire la vérité à nos enfants

 

Certains auditeurs conseillent de donner aux enfants, l’information avec franchise, même si ce n’est pas facile d’aborder les difficultés de la vie avec un tout-petit. Ils sont convaincus que c’est très important, parce qu’un jeune enfant est perméable à toute tension, et il voit bien lorsque que l’ambiance familiale est plus tendue. Selon eux, l’enfant doit savoir pourquoi. Nous écoutons Isabelle d’Alsace : ” Dire la vérité à un enfant ne l’empêche pas de rêver. Nous, nous avons fait ce choix de tout dire, et nous nous préparons avant d’annoncer ce que nous avons à dire. Même si c’est compliqué, nous attendons de nous sentir suffisamment forts pour en parler calmement, sans inquiétude, sans avoir les larmes aux yeux”.

-Bonjour ! Eric de Lyon. Je voudrais juste dire que je suis d’accord, il vaut mieux dire la vérité à un enfant parce qu’il se débrouillera mieux avec une vérité même difficile parce que c’ est la sienne !

– S’ils disent tout ! intervient Suzanne, ils ne parlent pas du Père-Noël alors ? C’est triste d’emmener les enfants pour qu’ils choisissent leurs cadeaux, la notion de surprise est l’essence même de la magie de Noël !

– Ça met du piment à la vie quand les avis sont partagés et les débats bien animés, lui chuchote Pierre. Chut, écoute Bastien de Bergerac !

– Pour ma part, je mettrais des nuances dans tout cela. Dire la vérité à un tout petit, cela ne veut pas dire “tout lui dire”, mais seulement ce qui le concerne et ce qui peut l’aider à bien grandir. Je pense par exemple, à des amis en instance de divorce.  Ils ont expliqué simplement à leur garçonnet que « papa et maman vont se séparer», parce que c’est une nécessité de dire les choses à l’enfant, mais par contre ils ne lui racontent pas toutes leurs histoires du divorce.

Max reprend la parole. “Hé bien, merci à tous ! Pour résumer, certains parents disent ne jamais mentir à leurs enfants, qu’il s’agisse d’ événements familiaux, ou du Père-Noël ! D’autres mentent volontairement pour protéger leurs enfants, quand d’autres encore, le font sans vraiment s’en apercevoir, par habitude. Quelle est la plus juste conduite à tenir ? Pour plus d’éclairage, nous vous proposons les avis de plusieurs professionnels, que vous pourrez retrouver sur notre page Internet.

Des auteurs en parlent…

 

Selon l’avis du psychanalyste Stéphane Clerget : “C’est très simple, les enfants ont le droit de savoir ce qui les concerne directement. Par exemple les modifications familiales, un déménagement, un décès dans la famille, leurs maladies ou celles de leurs parents. Ils ont également droit de connaitre tout ce qui touche à leurs origines, leur place dans la filiation, leur éventuelle adoption.”

Françoise Dolto proposait aux parents de parler à l’enfant de tout ce qui le concerne, de “parler vrai”, dès sa naissance, par exemple dans le cas d’une adoption : ” Il ne faut pas mentir aux enfants sur leur origine et leur sexualité, disait-elle, car le pire pour un être humain est de ne pas passer par le langage, la meilleure façon de donner du sens à la réalité.”

Marcel Rufo : “Toute vérité n’est pas bonne à dire. Et notamment quand les relations de l’enfant avec ses parents sont satisfaisantes. A quoi cela servirait-il de lui dire : « Tu es né d’un viol » ? Plutôt que de répéter aux parents qu’il faut toujours dire toute la vérité aux enfants sur leurs origines, il vaudrait mieux leur demander s’ils sont prêts à le faire et s’ils sont conscients de ce que la révélation de cette vérité peut entraîner comme conséquences sur le développement de l’enfant. Bien sûr, la psychologie est consciente des dommages du passé. Repérons chez cet enfant ce qui va lui être utile pour aller vers l’avenir, car ce qui importe avant tout, c’est son avenir.”

“Le Père-Noël est un mythe collectif. Le petit enfant distingue mal réel et imaginaire où la magie est présente. Le Père-Noël est pour l’enfant une pensée magique, qui le protège du monde plus désarmant ! S’il questionne, lui demander ce qu’il en pense, et lui dire : Le Père-Noël existe pour ceux qui y croient ! La vérité vers 6 ans s’est révélée à lui, on peut le féliciter et aussi lui expliquer de respecter le silence pour ses petits frères et sœurs.”

A la question :”Est-ce que les non-dits, sont des mensonges ?”, Victoria Talwar, psychologue du développement à l’université McGill, spécialisée dans l’enfance et le mensonge a répondu :” Une petite « omission » n’est pas vraiment considérée comme un mensonge. Mais attention, si votre enfant vous interroge, vous lui devez la vérité ».

Tandis que le générique final, déjà se fait entendre, Max, l’animateur radio, salue et remercie l’ensemble des participants de ce dimanche après-midi. Il termine en invitant chacun, chacune à prendre rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle “question du mois”. Page de publicité !

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